DHA : le défi végétalien ? (2024)

Lorsque j’ai choisi le végétalisme, j’ai dû répondre aux questions d’un entourage bienveillant, mais soucieux de ma santé. Et en tant que rejeton d’un chercheur en nutrition, les discussions se sont naturellement orientées sur les questions d’équilibre alimentaire. Et ce ne sont pas les apports en protéines qui ont le plus animé nos soirées-débats. “Comment équilibrer cette alimentation purement végétale en DHA ?”, telle était la question. On n’écoute pas toujours ses parents, mais c’était bien la première fois que j’entendais parler de DHA. C’est donc ici qu’ont débuté mes investigations.

DHA : le défi végétalien ? (1)
Ces 3 lettres nous apportent bien plus qu’une nouvelle combinaison au Scrabble… Voyons ensemble ce qu’elles signifient, les 3 situations qui peuvent mener à une carence en DHA et les 3 solutions 100% végétales qui s’offrent à nous.

DISCUTONS LE BOUT DE GRAS

J’apprends rapidement que le DHA (à ne pas confondre avec la plus célèbre DHEA) appartient à la noble famille des acides gras Oméga-3. Voici donc le troisième et dernier article de la série consacrée aux Oméga-3… Après avoir montré l’importance des Oméga-3 et compris comment profiter de tous les bienfaits du lin sans s’empoisonner, nous allons aborder à présent une question de taille. Si les Oméga-3 sont essentiels au maintien de notre santé générale, j’ignorais que la longueur de ces Ω3 avait son importance.

UNE QUESTION DE TAILLE

On répartit les Ω3 en 2 catégories, selon leur taille : il y a les Ω3 « à courte chaîne » et il y a ceux « à longue chaîne » . Pour appartenir à la famille « Longue-Chaîne », les Ω3 doivent au moins avoir 20 atomes de carbone.

– Le chef de famille « Courte-Chaîne » s’appelle l’acide alpha-linolénique ou ALA pour les intimes.
– Dans la branche cousine des « Longue-Chaîne », on peut citer principalement l’EPA ou acide eicosapentaénoïque et le DHA ou acide docosahexaénoïque.

Si les Ω3 à courte chaîne sont largement présents dans l’alimentation végétale, on ne peut en dire autant des Ω3 à longue chaîne…. Et c’est ici que mon père, spécialiste des Oméga-3, voulait en venir lorsqu’il a mis ce sujet sur le tapis (de yoga).

S’ALIMENTER EN OMÉGA-3 : L’ESSENTIEL

  • Les ALA sont des acides gras dits essentiels, c’est à dire qu’ils doivent nécessairement être apportés par l’alimentation. Ils sont largement présents dans l’alimentation végétale : graines de lin, de chanvre, de chia, soja ou encore huile de colza.
  • L’EPA et le DHA sont quant à eux majoritairement trouvés dans la chair des poissons gras, dans les œufs si les poules ont été nourries aux graines de lin, et dans les algues. Cependant, le pourcentage d’acides gras présent dans les algues que l’on consomme généralement est minime et ne justifie généralement pas leur prise en compte. En théorie, les végéta*iens disposent donc de maigres ressources en termes d’EPA et de DHA alimentaires. (Mais vous allez le voir par le suite, il y a des solutions 100% végétales: sautez à la conclusion si le suspense est trop grand).

Les Oméga-3 à longue chaîne sont essentiels depuis votre conception jusqu’à votre mort. Également appelé acide cervonique, le DHA intervient dans des domaines aussi variés que le développement du cerveau et du système nerveux, la protection de la rétine, le métabolisme du glucose et de la sensibilité à l’insuline (1), le métabolisme des os (2), le fonctionnement de la mémoire (3), la santé cardio-vasculaire, le fonctionnement des membranes neuronales, la prévention des maladies neuro-dégénératives telles que Parkinson et Alzheimer (4). Maintenant, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle…

La bonne nouvelle… C’est que l’EPA et le DHA sont dits « conditionnellement essentiels » : ce qui veut dire que le corps est capable de synthétiser des EPA à partir de l’ALA. Ces EPA pourront à leur tour être convertis en DHA. En théorie, un apport alimentaire suffisant en Ω3 à courte chaîne devrait donc suffire à couvrir nos besoins en Ω3 à longue chaîne : une réaction en chaîne !

La mauvaise nouvelle…C’est que « conditionnellement essentiels » signifie qu’il y a, en bas de page, une clause d’efficacité en caractères minuscules. Et comme souvent, c’est là que se situent les termes les plus importants du contrat : « à condition que l’activité des enzymes chargées de la conversion soit efficace ». Et c’est ici qu’il peut y avoir un hic…

TOUTES PROPORTIONS GARDÉES

Le taux de conversion des ALA en DHA se situe dans une moyenne de 2 à 5%. En effet, les enzymes chargées de la conversion des Ω3 à courte chaîne (ALA) en Ω3 à longue chaîne (EPA puis DHA) ont d’autres attributions : assurer la conversion des Oméga-6 à courte chaîne en Oméga-6 à longue chaîne.

Les Ω6 sont un autre type d’acides gras poly-insaturés. Comme les Oméga-3, ils sont essentiels. Mais contrairement aux Oméga-3, ces Ω6 résistent à la chaleur et sont donc très prisés comme huiles de cuisson : maïs, tournesol, sésame… au détriment des Oméga-3.

Or, la surconsommation d’ Ω6 par rapport aux Ω3 peut créer un déséquilibre. Le rapport Ω3/Ω6 qui devrait idéalement être d’1 pour 3 dans nos régions tempérées peut aujourd’hui atteindre le pic alarmant de 1 pour 30 ! Ce déséquilibre crée une situation inflammatoire à l’origine de beaucoup de maladies modernes. Les inflammations chroniques sont en effet liées à un excès de zèle du système immunitaire, qui engage trop de globules blancs. Ces embauches excédentaires se font par l’intermédiaire d’un agent de recrutement issu de la transformation des Ω6.

Si l’on consomme trop d’oméga-6, les élongases et désaturases (les enzymes chargées d’ « allonger » les acides gras) peuvent être débordées par la conversion des Ω6 et délaisser leurs attributions concernant les Ω3. Un excès d’ Ω6 dans l’assiette peut donc empêcher l’organisme d’exploiter ses sources d’Ω3 .

TOUS CARENCÉS EN OMÉGA-3 À LONGUE CHAÎNE ?

Dans les faits, en quoi ce problème concernerait-il les végéta*iens plus que les autres ? D’accord, une alimentation strictement végétale ne comporte quasiment aucun apport en EPA ni en DHA, mais celle d’un omnivore qui ne consommerait pas de poissons gras (grand bien lui fasse) non plus. Plusieurs scientifiques ont planché sur la question et ont comparé les taux de DHA des végétaliens et des omnivores.

Une étude de 2010 a montré des taux sanguins de DHA très proches entre les personnes qui consomment des poissons et celles qui n’en consomment pas (mangeurs de viande y compris), malgré un apport alimentaire 60 à 80% plus bas chez ces dernières (5). Une explication pour cette observation ? Le taux de conversion en EPA et DHA à partir des ALA végétaux serait accru chez les personnes qui ne mettent pas de poisson dans leur assiette (ou serait-il affaibli chez les mangeurs de poisson ?).

Concernant plus spécifiquement les vegans, une étude a rendu la conclusion suivante : les cellules sanguines, le plasma, le lait maternel et les tissus des personnes végétaliennes présentent « significativement » moins de DHA que ceux des omnivores (6). Mais un taux « significativement moindre » de DHA chez les vegans est-il forcément synonyme de carence ? Nous ne connaissons pas l’alimentation de ces vegans cités dans l’étude : consomment-ils des Oméga-3 végétaux?

Selon moi, les Oméga-3 ne sont pas un “défi” lorsqu’on parle de véganisme ; ils peuvent l’être quel que soit le type d’alimentation.

Quelles sont les recommandations officiellesconcernant les Oméga-3 à longue chaîne ?

En termes d’apport alimentaire quotidien en EPA et DHA, les consignes officielles oscillent autour de 250 mg par jour, auxquels il faut ajouter 100 à 200 mg pour les femmes allaitantes (7).

Certaines personnes gagneront particulièrement à suivre ces recommandations :

– Les futures mamans, les mamans qui allaitent, et les enfants en bas âge, le DHA jouant un rôle primordial lors du développement du cerveau, du système nerveux et de la rétine.
– Les personnes âgées, la production d’enzymes de conversion diminuant avec l’âge (le pic est atteint vers l’âge de 30 ans).

DES SUGGESTIONS ?

Pour résumer, dans notre alimentation, qu’elle soit 100% végétale ou non, 3 situations peuvent mener à des carences en Ω3 à longue chaîne:

1. Un apport insuffisant en Ω3 à courte chaîne à partir desquels est converti l’EPA.

2. Un déséquilibre du rapport Ω3/Ω6 qui empêcherait d’exploiter de façon adéquate les Ω3 à courte chaîne.

3. Des enzymes de conversion peu nombreuses ou peu efficaces. L’efficacité de ces enzymes est subordonnée à un régime alimentaire le plus équilibré possible. Elle peut être affaiblie par la consommation excessive d’alcool ou de graisses transsaturées.

Comment assurer un bon apport en EPA et DHA ? La consommation de poissons n’étant pas une solution pour nous (encore moins pour eux), nous avons tous avantage à nous tourner vers des sources végétales…Bonne nouvelle, ces solutions existent !

DES OMÉGA-3 SANS FAIRE GRAS

Pour assurer un apport ou une conversion efficace en Ω3 à longue chaîne, 3 solutions 100% saines, végétales et non exclusives s’offrent à vous.

SOLUTION 1 : Augmenter votre consommation d’ Ω3 à courte chaîne.

Riz sauvage, feuilles vertes, graines de chanvre, de chia ou de lin , poudre de kelp, faites votre choix ! (Liste non exhaustive).
Pour un apport optimisé en Oméga-3, allez voir du côté de la gamme Nutreine, produite par une petite entreprise française. Personnellement, j’ai opté pour le Philobio au petit déjeuner.

SOLUTION 2 : Optimiser l’efficacité des enzymes de conversion en Ω3 à longue chaîne.

  • En restant vigilant concernant votre consommation d’ Ω6 (8). Cela concerne surtout les huiles de cuisson, les graines entières (de sésame, de tournesol…) nous apportant plein d’autres bonnes choses. Ne bannissez pas pour autant les Oméga-6 de votre alimentation : ce sont également des acides gras essentiels et le risque de carence, plus rare, peut exister aussi.
  • En essayant d’avoir par ailleurs l’alimentation la plus équilibrée possible. Des carences en calcium, cuivre, magnésium ou zinc peuvent diminuer l’efficacité des enzymes de conversion. Pareillement, la consommation excessive d’alcool et de graisses trans-saturées affaiblissent les enzymes de conversion.

SOLUTION 3 : Vous alimenter à la source en vous supplémentant en DHA marin.

Ne mangeons pas le poisson, mangeons comme le poisson!

La seule source végétale d’Oméga-3 à longue chaîne se trouve dans la mer : algues et micro-algues. Chez certaines espèces de micro-algues, le DHA représente jusqu’à 40% des acides gras (9). C’est dans ces micro-algues que les poissons trouvent leurs Oméga-3, qu’on retrouvera ensuite en version concentrée dans leur chair (ainsi que les polluants dispersés en mer). Aujourd’hui, nous les humains avons aussi les moyens de concentrer ces Oméga-3 à longue chaîne provenant des micro-algues : les suppléments de DHA vegan sont nombreux dans le commerce (pour autant que la gélule ne soit pas réalisée avec de la gélatine animale bien sûr).

POUR ENCHAÎNER SUR LES OMÉGA-3 À LONGUE CHAÎNE

Achieving optimal n-3 fatty acid status: thevegetarian’s challenge… or not.

Omega-3 polyunsaturated fatty acids andvegetariandiets.

Références(1) DHA at nutritional doses restores insulin sensitivity in skeletal muscle by preventing lipotoxicity and inflammation.(2) Effect of the Types of Dietary Fats and Non-dietary Oils on Bone Metabolism.(3) Docosahexaenoic acid and adult memory: a systematic review and meta-analysis (4) Long-chainpolyunsaturated fatty acids (LCPUFA) from genesis to senescence: the influence of LCPUFA on neural development, aging, and neurodegeneration.(5) DIETARY INTAKE AND STATUS OF N-3 POLYUNSATURATED FATTY ACIDS IN A POPULATION OF FISH-EATING AND NON-FISH-EATING MEAT-EATERS, VEGETARIANS, AND VEGANS AND THE PRECURSOR-PRODUCT RATIO OF Α-LINOLENIC ACID TO LONG-CHAIN N-3 POLYUNSATURATED FATTY ACIDS: RESULTS FROM THE EPIC-NORFOLK COHORT..(6) DHA status of vegetarians (7) Omega-3 Fatty Acid Supplementation During Pregnancy (8) The effect of modifyingdietaryLA and ALA intakes on omega-3longchainpolyunsaturated fatty acid (n-3LCPUFA) status in human adults: a systematic review and commentary.(9) VEGETARIAN CHALLENGE

DHA : le défi végétalien ? (2024)

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